ABSTRACT

2 Je suis confus ma chere Madame d’avoir eté si long temps à repondre à vos dernieres lettres, et à vous remercier de toutes vos attentions tant pour moy que pour ceux auxquels je m’interesse. il est pourtant vray que les affaires que j’ay eu à demeler pourroient me servir d’excuse, et je comte infiniment sur votre indulgence. vous me mettez en Etat de faire ma cour à Me La Duchesse de Bedford 3 qui à grande impatience de voir arrivée l’Arlequine avez vous en la bonté de vous faire rembourser par Messrs de Moracin et de la Borde, 4 a qui jay ecrit de payer à votre ordre le prix de cette bienheureuse Bete? j’ay reccu les lettres de Voltaire, 5 et je prens la liberté d’en joindre une pour luy à celle que j’ay l’honneur de vous ecrire. Je plains de tout mon cœur le malheur de ce pauvre garcon, et je le plains d’autant plus qu’il me revient que tres peu de gens le plaignent. Je ne comprens pas qu’il soit possible qu’il ait eu assez de tort pour justifier ceux qui ne sentent pas l’indignation que doit causer un assassinat, et qui ne plaignent pas celuy sur lequel il est tombé. 6 Je continue ferme dans ma resolution de faire un voyage pour avoir le plaisir d’embrasser mes amis de France. c’est l’unique affaire que je puis y avoir. le temps dependra de plusieurs circonstances, et les combinaisons de ces circonstances ne dependront pas tout a fait de moy. j’assure mon aimable 56gouverneur 7 qu’il n’aura jamais de Pupil plus devoué que moy, et je le prie de vouloir bien le mettre au fait de temps en temps de ce qui se passe dans le proces des Begons et du {Mineur}. comme la Marquise doit vous avoir ecrit au sujet du cuisinier je ne vous en rompray par la tete. Haissé devroit bien nous faire une petite visite ce Eté. nos affaires nous permettront peut etre de la reconduire à Paris. si elle ne nous trouve pas encore trop bien arrangez, du moins trouvera telle les choses une peu en meilleur etat qu’à son dernier voyage.