ABSTRACT

Jean de l'Espine, qui a tant de fois répété que l'âme et le corps du fidèle chrétien ne périssent pas vraiment, est mort deux fois. Une première fois, nonagénaire, de mort naturelle, après que ses collègues de l'Église réformée de Saumur ont bataillé pour le persuader de prendre sa retraite.1 Une seconde fois, en 1913, quand son biographe le plus récent, Louis Hogu, a commenté avec une ironie assassine une gravure conservée au Cabinet des Estampes de Paris: 'Cette figure ronde et anguleuse, aux traits épais, est tout à fait celle d'un paysan du Maine ou du Perche. Jean de l'Espine manque de distinction dans sa personne, comme souvent dans ses ouvrages.'2 Ce personnage, sans charisme particulier certes, a inscrit dans sa biographie les ruptures et les tensions du siècle, et de ce fait sa place est marquée dans l'historiographie, du dix-septième au début du vingtième siècle. En témoignent, avant l'ouvrage de Louis Hogu, les références intégrées aux notices de Pierre Bayle et de Eugène et Emile Haag.3 Ensuite, on semble avoir été réceptif à des critères

anachroniques de 'distinction', et les rédacteurs de l'Encyclopédie du Protestantisme, de The Oxford Encyclopedia of the Reformation et de la plupart des Histoires de la littérature française au seizième siècle, ignorent son nom.