ABSTRACT

Depuis Durkheim et Boas, les problèmes de diffusion et d’adaptation de traits culturels constituent un défi permanent pour l’anthropologie. Mais, conséquence naturelle des grands mouvements colonisateurs des nations européennes, c’est toujours le « colonisé », assimilé d’une certaine façon au « primitif » — Noirs d’Afrique et d’Amérique, Indiens du Nouveau Monde, ce laboratoire idéal des pratiques et des aménagements conceptuels —, qui a attiré l’attention des spécialistes. Les naturels de l’Inde, tout autant colonisés et ceux qui en Chine le furent partiellement n’ont pas, quant à eux, fait l’objet d’études systématiques en ce sens, sans doute parce que les Européens n’ont pas voulu ni pu prétendre à l’assimilation des autochtones ; peut-être aussi parce qu’ils ont eu le sentiment d’être confrontés à des cultures qu’ils percevaient globalement comme étant égales à la leur, ainsi que le suggèrent les stratégies déployées par les jésuites en Chine. L’intérêt des sociologues et des anthropologues ne s’est pas davantage porté sur les nombreux et complexes échanges culturels qui depuis la préhistoire n’ont cessé de s’effectuer dans le monde occidental ; la notion de diffusion d’un trait particulier, concernant le plus souvent la vie matérielle, tient généralement lieu d’examen du problème tout entier, quand celui-ci n’est pas simplement abandonné aux interprétations mécanistes traditionnelles qui l’intègrent alors dans le cadre des « conquêtes », avec leur cortège d’« influences », etc.