ABSTRACT

Le problème de la pénurie des terres est, dans plusieurs régions de l’Afrique, d’une brûlante actualité. Il est lié à une multitude de facteurs démographiques, écologiques, technologiques, économiques et sociaux; en certains endroits, il est lié aussi à l’accaparement de terres au profit de groupes allogènes ou aux déplacements dirigés de populations nécessités par les impératifs économiques. En dernière analyse, le problème majeur affrontant le développement des structures agraires n’est pas nécessairement le phénomène de pénurie croissante des terres mais bien celui de la redistribution adéquate de la population et de la transformation des méthodes agricoles. 1 La valorisation de la terre et de ses produits est intimement liée à la disponibilité de terres et découle de l’inclusion des systèmes agricoles africains dans l’économie monétaire mondiale. Elle doit être vue sous l’angle du développement économique et social, en général, et de l’introduction de nouvelles formes d’exploitation agricole (agriculture stable; cultures pérennes et annuelles commercialisées, etc.) en particulier. La pénurie et la charge utile des terres sont des données relatives, puisqu’elles sont conditionnées par une variété tellement grande de facteurs interchangeables. Là où les conditions physiques sont particulièrement limitées, comme chez les Lozi, une certaine pression démographique sur la terre peut se faire sentir dans des régions qui ne portent que cinq habitants au km2. En Rhodésie du Nord, sous l’effet du système Chitemene, la charge utile de la terre varie de 4 habitants au mille carré chez les Serenge Lala à 7 habitants au mille carré chez les Mambwe. 2 En dehors de toute considération technique, il est important de tenir compte de différentes opinions subjectives qu’affichent certains peuples en ce qui concerne leurs besoins fonciers. Chez certains peuples congolais, où chasse et cueillette 27continuent à être importantes, le sentiment existe que de vastes domaines inoccupés sont strictement nécessaires; nonobstant la densité très faible, la moindre atteinte à la superficie du domaine est sentie comme une atteinte à la souveraineté et comme une menace économique directe. Si, en outre, les sols sont très pauvres comme c’est le cas en différentes parties du Kwango-Kwilu en République du Congo, les droits de cueillette des produits spontanés et de récolte de miel ou de certaines espèces d’insectes sont, nonobstant la faible densité, rigidement circonscrits. Le même sentiment de besoin en terres abondantes existe chez les peuples où la cueillette agricole, centrée autour des bananeraies, continue à être dominante et chez les peuples qui vivent de l’exploitation de vastes palmeraies naturelles mal entretenues et imparfaitement exploitées, mais qui sont entrées dans le circuit économique. Le moindre accroissement de la population, la moindre perte de terrain, une demande légèrement accrue de terres sont ressentis dans la perspective de la perte des ressources nécessaires. De même chez certaines populations pastorales où le nombre excessif de têtes de bétail et la qualité médiocre des pâturages nécessitent la disponibilité de vastes terrains de pacage. Chez d’autres peuples encore le sentiment de pénurie nait de la présence de terres très fertiles mais insuffisantes en superficie. Cette situation se présente, par exemple, dans les régions de haute altitude à collines escarpées, pelées et arides, mais où les bas-fonds limités en superficie offrent de riches possibilités. Chez les Alur et Lendu de la République du Congo, ces bas-fonds sont très recherchés parce qu’ils permettent la mise-en-culture prolongée et le développement de droits individualisés et héréditaires; ceci contraste avec les droits précaires acquis sur les champs éphèmères situés sur les crêtes et pentes des collines.