ABSTRACT

‘Le lien entre l’homme et la terre, qui est représenté par la façon dont la terre est distribuée, conservée et transférée, est un lien fondamental qui affecte tout le progrès humain.’ 1 Les systèmes fonciers, les droits et prétentions, privilèges et obligations qui grèvent la terre et ses produits, offrent à l’analyse un sujet fascinant mais difficile puisqu’il touche aux réalités économiques et sociales, politiques et religieuses les plus diverses. De là l’extraordinaire complexité de ces systèmes fonciers et le danger de les caractériser par des concepts juridiques et linguistiques qui leur sont étrangers. La vaste littérature dispersée, disparate et hétérogène parfois, qui traite des régimes fonciers africains, en fournit la preuve immédiate dans la lutte soutenue qu’elle mène contre les problèmes de terminologie, de classification des données et de caractérisation du faisceau de droits qui grèvent la terre. 2 Dans tout ce qui touche à la terre – à l’exercice des droits et obligations, aux conceptions et sentiments dont elle est entourée –, sont sous-jacentes maintes idées qui, à plusieurs reprises, ont été mises en relief par différents auteurs. Il y a cette notion de pérennité et d’immuabilité des liens, qu’exprime le proverbe Lunda: ‘Le chef est la cendre que le vent emporte; “le chef de terre” est le charbon qui reste.’ Il y a cette idée de l’association étroite entre la terre et une communauté 2composée par les membres défunts, vivants et à naître des groupes titulaires de droits et qui est condensée dans cette affirmation devenue classique d’un chef Nigérien: ‘Je conçois que la terre appartient à une vaste famille, dont de nombreux membres sont morts, quelques uns sont vivants et d’innombrables sont à naître.’ Il y a cette impregnation de contenu religieux de tout ce qui touche à la terre, à laquelle réfère L. S. Senghor lorsqu’il écrit que l’animisme africain fait de la terre une personne, un génie et que ‘l’ancêtre du clan, le premier défricheur et occupant, a conclu, avec ce génie, un pacte’, non en son nom, mais au nom de la collectivité et pour la collectivité. 3 Il y a cette opinion que l’homme ne possède pas la terre, mais qu’il est possédée par elle. 4 Il y a les phénomènes de prestige et de réputation qui sont liés à la possession de terres, à tel point que, comme l’indiqua R. Linton, le propriétaire devient un donateur pur et simple qui est récompensé en reconnaissance et en prestige social.