ABSTRACT

Dans les études médiévales modernes, l'intérêt pour le monde végétal ne s'est jamais démenti. Si l'on s'en tient seulement au XXe siècle, on ne compte plus les publications qui abordent selon des modes différents le monde végétal du Moyen Age occidental. Parmi ces publications, plusieurs sont consacrées d'une part à l'éude du jardin médiéval, 2 d'autre part au symbolisme des plantes et enfin à leurs vertus thérapeutiques ainsi qu'à leurs multiples utilisations pratiques. 3 Dans ces différents domaines, les auteurs médievaux sont tributaires de textes de l'Antiquité. Ainsi Franco Cardini a rappelé de façon précise le lien direct existant entre les auteurs de l'Antiquité ayant disserté sur les plantes et leurs vertus magiques—Pline l'Ancien et Isidore de Séville en tête—et les théologiens du Moyen Age qui ont largement suivi leur prédécesseurs à propos de ces vertus. 4 Le monde monastique du haut Moyen Age a largement contribué à faire la synthèse entre l'aspect pratique lié à la connaissance des plantes, notamment pour leur culture, le symbolisme du jardin et les vertus médicinales des plantes. Le célèbre plan de l'abbaye de Saint-Gall du IXe siècle prévoit un espace particulier pour le jardin médicinal, un autre pour le potager puis encore un pour le verger. Dans son Hortulus rédigé entre 841 et 842, Walafrid Strabon participe aussi à l'ancrage dans la culture monastique de l'étude des plantes. 5 Dans ce texte, Walafrid décrit avec une relative précision vingt-quatre espèces de plantes pour lesquelles il dit toute son admiration. Pour chacune d'elle, il insiste sur les propriétés médicinales et magiques en même temps qu'il développe un véritable 42symbolisme du végétal, non dépourvu d'ailleurs d'une certaine touche poétique. Avant lui cependant, le capitulaire de Willis promulgué par Charlemagne entre 792 et 800 incitait fortement les moines à s'intéresser à l'horticulture et au jardinage. La dimension proprement médicinale attachée à l'étude des plantes au Moyen Age a rencontré un important succès après le haut Moyen Age et en dehors du seul monde des monastères. La médecine médiévale s'est très tôt intéressée aux vertus thérapeutiques des plantes et l'on peut citer, à titre d'exemple, le célèbre manuel de médecine composé par Hildegarde de Bingen au XIIe siècle qui illustre parfaitement cet intérêt des 'médecins' pour les plantes considérées comme les éléments premiers des remèdes. 6 Enfin, le jardin médiéval apparaît très tôt dans la théologie comme une image du paradis où les plantes sont assimilées aux différentes vertus chrétiennes. Cette vision allégorique du jardin se fonde essentiellement sur l'interprétation de certains textes vétéro-testamentaires à propos desquels les théologiens médiévaux ont glosé autour de la notion d'hortus conclusus, elle-même porteuse d'une signification ecclésiologique.