ABSTRACT

Pourquoi y a-t-il si peu de représentations du rire en peinture et en sculpture? Telle est la question á laquelle j'aimerais pouvoir apporter quelques éléments de réponse.Je partirai pour ce faire d'un. texte de Charles Blanc. Bien oublié de nos jours, Blanc fut sans doute le critique et l'historien d'art le plus influent en France dans la seconde moitié du XIXe siécle. Fondateur de la Gazette des Beaux-Arts, directeur á deux reprises de l'Ecole des Beaux-Arts de Paris, académicien et professeur au Collége de France, il exeri;a une influence déterminante sur nombre d'artistes, et non des moindres, parmi lesquels figurent notammentVan Gogh et Seurat. 1 Son principal livre est la Grammaire des arts du dessin, qm connaítra de nombreuses éditions aprés sa premiére publication en 1867. C'est dans cet ouvrage qu'il se livre aux commentaires suivants:

On a remarqué avant nous qu'il était malséant de prendre le portrait d'un homme riant aux éclats. La raison en est sensible: le rire est accidentel, le fou rire surtout, et s'il peut trouver place dans une composition qui le motive, oü il ne remplit pas le tableau tout entier, il nous repugne de voir un accident aussi fugitif caractériser pour toujours une physionomie, et, en s'éternisant sur la toile, nous imposer á jamais sa grimace stéréotypée et invariable. Au contraire, le portrait sérieux d'une femme attristée ou d'un poete mélancolique n'a rien qui nous déplaise, parce que la tristesse est moins passagére dans la vie que l'éclat de rire, et que l'une, plus conforme á l'état permanent de notre âme, nous y raméne doucement et sans efForts, tandis que l'autre nous en tire brusquement et quelquefois avec violence. Est-il rien, d'ailleurs, de plus triste au fond que d'avoir sans cesse présente l'image d'une gaieté folie, imprimée sur le portrait de ceux qui ont vécu, ou qui seront bientót des ancétres? 2