ABSTRACT

'L'habit fait-il le moine?': une telle question esquisse les termes du problème posé par L'Homme qui rit aux lecteurs et à la critique. Ce roman, écrit lors de l'exil à Guernesey et publié en 1869, a fait l'objet de jugements allant de la surprise polie au refus le plus radical. Pour Richard B. Grant, le roman est 'franchement mauvais': 'L'Homme qui rit is an extremely bad piece of writing, so bad in fact, that few critics have bothered to take it seriously on the grounds, no doubt, that it was not worth the effort.' 1 Ce jugement, si tranché soit-il, n'est pas sans valeur; les hugoliens les plus chevronnés ont parfois du mal à aborder la critique de cette œuvre sans circonlocutions polies. Henri Meschonnic n'hésite pas à invoquer une matière romanesque qui comporte 'un peu trop d'âmes qui s'envolent, de mères qui regardent leurs filles du haut du ciel, une sensiblerie spiritualiste qui s'est figée en statues mortuaires d'un goût qui est passé', voire 'une machinerie mélodramatique à laquelle on peut ne pas se laisser prendre'. 2 Pierre Albouy, dans sa présentation du roman, résume ce qui a pu laisser une critique peu enthousiaste jusqu'à la publication d'un recueil d'articles consacrés a L'Homme qui rit: 3

Les 'défauts' de Hugo y sont portés au comble: exagération et fausseté dans le tableau de l'aristocratie anglaise sous la reine Anne, invraisemblance des caractères et de l'action, délire verbal et érudition en folie dans les tirades du bateleur philosophe Ursus ... Une telle prise offerte à la critique et l'énormité des 'défauts', leur évidence qu'on dirait provocante, feraient peut-être supposer que ceux qui se laissent prendre au piège d'un éreintement trop facile pour être concluant n'auront pas su lire ce roman comme il demande à être lu. 4