ABSTRACT

Le projet hydroélectrique de Gibe III, construit sur la rivière Omo, est un projet phare pour l’Éthiopie, qui s’est engagé dans un important développement de son secteur énergétique. Il comprend un barrage en béton compacté au rouleau de 246 m de haut, le plus haut d’Afrique, construit dans le cadre d’un contrat de type 286clé en main (EPC). La construction a débuté en 2006 et l’inauguration du barrage et de l’usine a eu lieu en décembre 2016. À cette date, les dix unités étaient en service et opérationnelles et le niveau du réservoir avait atteint la cote 860 (soit environ 87% de la charge hydrostatique pour un niveau maximum à la cote 892).

La géologie du pays a été en grande partie modelée par le volcanisme lié au Rift Africain. Le site du barrage est situé dans une gorge entaillée par la rivière à travers un épais massif de trachyte, qui a recouvert d’anciennes formations volcano-sédimentaires. Mais des conditions géotechniques inattendues, sous la forme de remplissages de matériaux silteux sans cohésion ont été rencontrées en profondeur par les premiers sondages de reconnaissance.

Des problèmes supplémentaires ont été rencontrés lors de l’excavation d’un des tunnels de dérivation, lorsqu’un flot continu de blocs et débris rocheux divers (secs à légèrement humides, certains de forme arrondis) s’est écoulé depuis la voûte du front d’excavation. Le flot de débris s’étant stoppé de lui-même, la zone fut traversée en utilisant des moyens de soutènement lourds.

Le massif de trachyte semblait présenter des singularités. Bien qu’il semblait massif, avec des joints souvent cimentés par des oxydes de fer, certaines carottes provenant de forages d’investigations dans la fondation du barrage se sont désintégrés avec le temps en un matériau silteux-sablonneux. Des reconnaissances approfondies ont montré que le trachyte avait été injecté par des fluides hydrothermaux, entraînant une altération de la matrice rocheuse le long les discontinuités. Les excavations de la fondation du barrage ont confirmé ces observations. Un traitement spécifique des zones de faiblesse, dont la fréquence augmentait avec la profondeur en fonction des zones d’origine des fluides hydrothermaux, a été mis en place. Les procédures pour la réalisation du voile d’injection ont dû être modifiées, de manière à assurer autant que possible le lavage du matériau altéré friable avant l’injection.

De plus, les reconnaissances ont permis de mettre en évidence la présence d’un aquifère confiné profond, environ 60 à 100 m sous le niveau de de fondation du barrage et probablement alimenté par la rivière elle-même, ce qui laissait craindre des fuites depuis le réservoir après remplissage. Les singularités des conditions géologiques et hydrogéologiques ont finalement permis d’expliquer les phénomènes observés, mais ont nécessité une adaptation de la conception et des méthodes de construction alors que la construction avait déjà commencé, soit un véritable processus de «conception à l’avancement».

La mise en eau a commencé en janvier 2015, avec une surveillance particulière du comportement de la fondation du barrage. Les niveaux piézométriques dans l’aquifère confiné profond sont jusqu’à présent jugés satisfaisants. Après avoir d’abord augmenté avec le réservoir, le niveau piézométrique dans l’aquifère diminue actuellement alors que le niveau d’eau augmente à nouveau. Cela peut s’expliquer soit par la sédimentation dans le réservoir, qui vient progressivement colmater la zone de recharge à l’amont, soit par le relâchement des pressions à 287travers de nouveaux chemins d’eau à l’aval du barrage. De plus, les fuites d’eau à l’intérieur du barrage en provenance de la fondation sont également jugées satisfaisantes.