ABSTRACT

La découverte, à la fin du siècle dernier, de peintures murales décorant le petit bain omeyyade de Qusayr ‘Amrah dans la steppe alors arabique et maintenant jordanienne eut parmi les historiens de l'art un retentissement bien plus grand que ne le méritaient la qualité de ces peintures ni le contexte archéologique ou technique de leur découverte. Les islamisants furent surpris par la présence de représentations de tout genre dans l'art d'un monde jugé iconophobe et s'empressèrent de faire sortir une série de travaux sur le prétendu iconoclasme de l'Islam. La grande majorité de ces travaux sont encore essentiels à l'entendement d'un sujet qui ne sera jamais résolu. Les historiens de l'art antique ou chrétien pensèrent avoir trouvé à Qusayr ‘Amrah un exemple de ce que l'art profane aurait été à une époque, le début du huitième siècle, dont il est presqu'absent. Par ailleurs, dans des cas précis comme les personnifications ou bien les représentations pseudo-scientifiques, Qusayr ‘Amrah aurait conservé des motifs antiques disparus des centres plus importants et plus connus. C'est ainsi que les images de Qusayr ‘Amrah entrèrent dans le corpus iconographique de Salomon Reinach et dans les premiers manuels d'art byzantin, ceux de Dalton et de Diehl. 1 Les princes omeyyades qui commandèrent ces peintures auraient simplement adopté le vocabulaire visuel d'un art profane prévalant en Méditerranée en y ajoutant peut-être un iranisme de service ou même quelques éléments d'origine plus lointaine, comme l'avait jadis proposé Ettinghausen. 2 Et, d'un point de vue formel plus général, il y avait le jugement de Herzfeld qui avait vu dans les peintures de Qusayr ‘Amrah un jalon important dans la déhellénisation de l'art islamique, un processus qui se serait achevé avec les peintures de Samarra au neuvième siècle, du moins jusqu'aux renouveaux fatimides et ayyoubides des onzième et douzième siècles. 3