ABSTRACT

En 2004, médiévistes et byzantinistes soulignérent le huit centiéme anniversaire du sac de Constantinople par une série de publications et de colloques visant à tirer les plus récentes conclusions de cet épisode tragique de la quatrième croisade. 1 Cette révision, bienqu'elle ne pûtparfaire une historiographie déjàlourde surle sujet, permit à tout le moins de faire le point sur les enjeux et les conséquences de l'antagonisme entre Chrétiens orientaux et occidentaux au XIIe siècle. tout en reconsidérant les antécédents du conflit aux XIe et XIIe siècles. À cet égard. les historiens ont longtemps situé l'origine des tensions au moment de la première croisade, lorsque l'échec des rapports diplomatiques entre croisés et Byzantins ébranla l'idéal de fraternité qui avait jusqu'alors animé la chrétienté. Fort heureusement, cependant, l'historiographie la plus récente semble avoir abandonné l'issue la plus simpliste de cette hypothèse. selon laquelle les relations entre Grecs et Latins auraient par la suite subi une détérioration constante et progressive tout au long du XIIe siècle. et cela jusqu'à l'aboutissement fâcheux de la quatrième croisade. En effet. bon nombre d'études ont souligné la futilité de voir un phénomène linéaire et continu dans l'évolution des rapports entre Chrétiens, puisque si les événements du XIIe siècle engendrèrent à certains moments une recrudescence des tensions, à d'autres moments ils favorisèrent des périodes d'accalmie et de fraternité chrétienne. 2 Pourtant. malgré cette approche plus nuancée. notre perception moderne du problème dépend toujours d'une tradition littéraire particulièrement négative à l'endroit des Byzantins. traditionnellement associée aux premiers témoins qui ont mis par écrit leurs impressions de la croisade. Or, si nous reconnaissons d'emblée l’ambiguïté des rapports entre Grecs et Latins au XIIe siècle, l’autorité que nous accordons à cette tradition péjorative mérite vraisemblablement d’être revue. Au cœur de ce problème, tous reconnaîtront l’enjeu de l’ouvrage anonyme connu sous le nom de Gesta Francorum et aliorum Hierosolymitanorum. 3