ABSTRACT

Jusque dans les années 1960, l’historiographie française de l’école privilégie des thèmes qui traduisent les avancées de l’institution scolaire, la croissance de ses effectifs, la construction d’une administration et d’un corps enseignant, le perfectionnement des outils et des méthodes, l’amélioration des résultats obtenus. Elle souligne les difficultés que ce mouvement a rencontrées: les problèmes de financement, les oppositions politiques, religieuses ou idéologiques, les inégalités territoriales, l’indifférence ou la mauvaise volonté des familles. Elle met particulièrement en valeur les artisans de ce progrès: hommes d’Etat, pédagogues, militants, enseignants de tous statuts. D’une façon plus ou moins explicite, les objectifs qui restent à atteindre apparaissent dans la continuité des progrès passés: prolongation de la scolarité, accès plus large des enfants des milieux ouvriers et paysans aux enseignements secondaires et supérieurs, accroissement du budget pour financer l’accueil de ces effectifs supplémentaires, conjoncturellement accrus encore, dans les années 1950-1960, par le baby-boom de l’après-guerre.1 L’historiographie de l’école est donc elle-même en phase avec l’histoire des progrès du système éducatif. Elle est d’ailleurs souvent le fait de ses praticiens: responsables et cadres de l’enseignement, enseignants ou anciens enseignants du primaire et du secondaire, militants de syndicats ou de mouvements pédagogiques, membres de congrégations enseignantes…. Elle trouve aussi sa place dans les écoles normales comme élément structurant d’une identité enseignante, pouvant donner sens à ses pratiques. Enfin, elle peut facilement intervenir dans les débats publics relatifs à l’école, puisque ces derniers tournent autour de questions politiques, institutionnelles ou pédagogiques inscrites dans la continuité d’un passé parfois lointain: niveau des dépenses budgétaires, organisation des filières, contenu des programmes, l’objectif ultime étant une plus grande démocratisation de l’enseignement, c’est-à-dire la possibilité offerte à tous ceux qui en ont les aptitudes de faire des études secondaires et supérieures, quel que soit leur milieu d’origine.