ABSTRACT

Le soin qu'apportait Victor Hugo à la gestion, à luvegarde et à la correction de ses manuscrits mériterait de devenir proverbial. Cette espèce de fétichisme ne laisse pas de souffrir quelques entorses, parfois comme celle qui justifiait jadis, pour la tranquillité des jeunes enfants, l'hospitalisation de leur mère su le point d'accoucher. C'est à l'une de ces erreurs fructueuses que je voudrais m'attacher, au moment où, dans Les Misérables, Cosette va tirer à la loterie le second numéro de forçat de Jean Valjean, qui peut se lire comme le mois et l'année de la mort de Léopoldine: septembre 1843: 9 43, suivis du zéro rappelant la mort principielle de l'ex-générale Hugo (337). 2 Le bagnard régénéré émerge done de cette annulation moins comme un revenant que comme une sorte de fantôme de roman-feuilleton — 'Jean Valjean n'était pas mort' — auquel il faut donner une histoire vraisemblable. Pour rentrer dans le roman comme Gavroche rentrait dans la rue (751), le moment du tranfert (comme disent les agences de voyage et quelques analystes de l'âme) entre Montfermeil et Paris n'est pas mal venu afin de donner corps au mystère, par un détour qui vaut bien, venant de Test, cette insistante 'rentrée' ('il rentrait dans Paris. Il y rentrait à la nuit tombante') par 'la barrière de Monceaux', c'est-à-dire par le nord-ouest, du côté des possessions de la famille d'Orléans. Manirère évidente de tromper l'ennerm qui devait l'attendre du côté de la porte de Pantin, voire de la porte de Montreuil, mais aussi d'ouvrir, avec l'énigme, le silence de la tombe. Car un journal est là, tout exprès, pour enregistrer 'le fait' de sa mort. D'où cet étrange requiescat: 'Il se sentit rassuré et presque en paix comme s'il était réellement mort' (338).