ABSTRACT

2Treshault et puissant prince, mon treschier et tresamé cousin et nepveu Jehan, duc de Bourbon et d’Auvergne etc., Je, René, me complains piteusement a vous comme a celluy qui, sur tous aultres princes du royaume de France, ay plus d’acointance, fiance et amour, et bien la doys avoir, car despieça et presques des mon enfance avons esté, vostre feuz pere et moy, tousjours l’un avec l’autre et portant l’un a l’autre parfaitte amour, comme freres germains. Et de vostre doulceur vous ay tousjours trouvé, et avant et depuis le trespas dudit pere parfait, benivolant et tresloyal amy, dont je me sens a vous trop atenu, et plus d’assez que ne le savroye envers vous desservir. Pour laquelle raison adrece ma complainte a vous plustost que a nul autre qui vive, en esperant que bien et seurement m’en savrez conseillier. Mais touteffois en moy y a ung point: c’est assavoir que, de trois, ne sçay pas contre qui m’adrecier pour l’acuser du tort fait et martire que mon cuer, pour voir, seuffre: de Fortune ou d’Amours ou de ma Destinee, pour ce que l’un des trois si m’a si griefment mis en soulcy et tourment que ne le savroye dire, ne lequel, au vray, prendre pour en baillier la charge ne lui en donner la coulpe. Car le jour que je passay premier devant ma dame, Fortune me conduist celle part la plustost qu’ailleurs, d’assez sans faulte. Et touteffois, pourquoy ne ou ainsi aloye n’en savoie riens, ne mal je n’y pensoye. Et d’aultre part, quant la fuz arrivé, sans gaires y tarder Amours, lequel estoit embusché soubz la tour de la tresbelle et gente, par l’archiere de l’ueil doulcet et esveillé me tira le regart qui me frappa au cuer. Et oultre plus, puis lors ma Destinee, quelque part que je soye, jugea mon souvenir a devoir sans cesser penser, et a toute heure sans loysir de repos, a celle la qui cy dessus est dit, trop plus d’assez que d’aultre riens qui vive. Doncques auquel des trois dessus nommez de mon martire a qui en baillier la [1v] coulpe pas ne sçay dire, fors que a tous trois et a chascun pour le tout, car par ma loyauté chascun y aida tant et en fist son pouoir que encoires en suis en tel estat que je ne sçay congnoistre nul remede en mon fait. Et ainsi languissant demeure, sans garir ne sans pouoir mourir, en faczon telle et estat proprement comme par paraboles en ce livret ycy vous pourrez au vray veoir, s’il vous plaist a le lire.