ABSTRACT

La conquête de Constantinople par Michel VIII Paléologue en 1261 porta un rude coup à Venise, qui perdit le statut particulièrement favorable qu’elle avait acquis dans l’Empire latin à la suite de la quatrième Croisade 1 . Après de laborieuses négociations, la Commune obtint en 1268 et 1277 des privilèges fiscaux et juridiques, plus étendus à divers égards que ceux dont elle avait joui à Byzance dans la seconde moitié du XIIe siècle. Dans l’ensemble, les Vénitiens furent exemptés de toute taxe commerciale dans l’Empire. Un baile envoyé de Venise fut placé à leur tête et exerça, avec ses conseillers, des prérogatives juridiques étendues qui permirent aux Vénitiens d’échapper dans la plupart des cas à la justice impériale 2 . Restait à définir l’identité des Vénitiens bénéficiant des privilèges octroyés. Cette question constitua un sujet de discorde permanent entre Byzance et Venise jusqu’à la conquête ottomane. En effet, la Commune octroya le statut vénitien à des sujets de l’Empire, et celui-ci tenta de les ramener sous son emprise. A moins de préciser le statut acquis par les naturalisés et les avantages qu’il comportait, on ne pourra guère saisir les mobiles qui induisirent des étrangers à l’obtenir; c’est à tort qu’on a affirmé qu’il s’agissait de citoyenneté vénitienne 3 . Ces mobiles sont d’ailleurs étroitement liés à la condition sociale des naturalisés, ainsi qu’à leur activité économique, aussi bien avant qu’après l’acquisition du statut vénitien. L’examen de ces divers aspects du problème permettra en définitive de mieux comprendre les objectifs et la portée de la politique de naturalisation poursuivie par Venise dans l’Empire. Certes, celle-ci visait à stimuler l’activité commerciale vénitienne en Romanie 4 , mais elle ressortait également d’autres préoccupations qu’il y a lieu de définir.