ABSTRACT

II est bien connu que les protestants n'étaient pas seulement des 'censurés', à savoir les victimes du contrôle libraire en pays catholiques, mais également des 'censeurs' en ce qui concerne l'impression et la circulation des livres sur leurs propres terres.1 Contrairement à la censure catholique, le contrôle protestant s'effectue au niveau local, à travers le pouvoir municipal qui établit la réglementation au sujet de l'imprimerie et des métiers adjacents. Le caractère décentralisé de la censure protestante fait que celle-ci est étroitement liée au contexte local et aux enjeux politiques qui dominent la scène urbaine. Comparée à son équivalent catholique, elle est moins ambitieuse, se limitant à réagir de façon immédiate et instantanée sans se préoccuper de l'échafaudage idéologique. Le manque de cohérence est renforcé par le fait que les autorités civiles, bien que dernière instance, ne sont pas les seuls responsables du contrôle de l'imprimerie. Faute de compétence dans les domaines de la théologie, des lettres et des sciences, le Magristrat est assisté dans son travail d'examen par le corps pastoral et les professeurs universitaires. Comme ces différents groupes n'ont pas toujours les mêmes intérêts, mais qu'ils dépendent tout de même l'un de l'autre, il n'est pas rare que cette collaboration se transforme en une rivalité sous-jacente, voire en un affrontement ouvert. Ce phénomène de compétitivité est une caractéristique inhérente à la censure protestante, de sorte que les rapports conflictuels entre les groupes concernés deviennent un objet incontournable pour toute recherche. Les études sur la censure catholique, par contre, se penchent seulement depuis

peu sur les conflits de compétence qui opposent les organes de la hiérarchie ecclésiastique impliqués dans le processus de contrôle.2